Sans rien perdre des ardeurs impatientes ni des exigences intérieures que révélait son premier recueil Autour, poésie", Bertrand Delporte "résiste" en Poésie. Au point de nouer désormais une alliance complice avec la patience -ne va-t-il pas jusqu'a lui donner la place d'honneur dans le titre de ce deuxième recueil ? - et, du même coup, avec sa sœur la persévérance. Ce sont là des signes, qui permettent d'acquérir meilleure assise des idées, des aspirations, de leur expressions.

L'image -clef du poète, le vecteur constant de son rêve, c'est ici l'oiseau. Tout un symbole. Comment échapper aux turpitudes sans le secours des ailes, sans l'aide des vents ?

Comment trouver un air plus pur si l'on ne peut décoller, s'envoler libre.

Bertrand Delporte écrit : "L'oiseau libère l'homme, cage du corps ouvert sur d'autres cieux", parce que, explique-t-il plus loin, "L'oiseau a le prestige des équilibres". Dès lors, on sent bien comment le parallèle se poursuit entre l'oiseau et le poète : or celui-ci, les mots sont la vie, pour celui-là, les ailes sont une question de vie ou de mort... Et leurs cris se ressemblent, dans le chant joyeux comme dans la souffrance du blessé ou de l'incompris.

Le poète est toujours un chercheur, un explorateur. Se contenter de ce qui est sans imaginer ce qui pourrait être, sans aller au-devant de ce qui devrait être, le ferait se dessécher et mourir.

Bertrand Delporte fait partie de ceux qui se hasardent, non sans témérité, à explorer tous les azimuts. S'il perçoit des brumes il lui faut les traverser, quitte à ne pas y voir trop clair pendant un moment. S'il rencontre un obstacle, il lui faut le transmuer. Et quand le vocabulaire usuel ne le satisfait pas, il invente des mots, des mariages originaux entre eux, des tournures éventuellement provocantes.

Aussi, ne vous étonnez pas plus d'un "chancir" de soleil que d'un "babil Adamique", pas plus de "Karmas de matinées" que d'un "cosmoguidé" et un monde "ventousé" ? Pourquoi pas ?

Par le poème il "chemine" beaucoup. Indiscutablement nous avons là un marcheur C'est un perpétuel transhumant du voyage intérieur qui touche des yeux, du nez, des oreilles, de la bouche, du cœur, et finalement c'est sa plume qui court sur ses calepins de notes.

"Patience des Lointains" est au fond une sorte de longue route d'initiation. Elle n'est pas finie parce que le poète devine déjà combien il lui reste de domaines enchantés à découvrir. Mais... patience, justement.



Yves La Prairie.